Démarrage poussif pour la 3G. Le téléphone mobile mutimédia, dit de troisième génération, lancé à Noël, patine. A la fois visiophone et écran de télé, il permet de télécharger de la musique ou des vidéos, de surfer à haut débit sur le Net... Mais il n'a pas encore trouvé son public. L'opérateur Orange atteint péniblement les 100 000 abonnés.
Pour gonfler sa performance, il y a ajouté un bon tiers d'entreprises clientes à qui il vend des cartes 3G à insérer dans les PC portables. SFR annoncera, demain, ses scores pour la première fois, mais laisse entendre qu'il coifferait Orange. Les deux opérateurs ont placé la barre très haut : 500 000 abonnés chacun à Noël 2005. Un cinquième seulement de l'objectif est atteint après six mois de commercialisation. «On essuie encore les plâtres», confesse un fournisseur de mobiles. Peu de modèles 3G sur le marché et des bugs à tire-larigot. Sur les forums Internet, les abonnés se lâchent. A propos d'appels qui coupent, notamment chez Orange, ou du SMS multifacturé. Vendeurs et fournisseurs confirment un démarrage émaillé d'incidents : petits problèmes de réseau avec le Samsung, soucis de connectique avec un mobile Sanyo, retrait des deux premiers Motorola chez SFR en raison d'un problème de réseau... Des débuts chaotiques qui rappellent ceux du Wap, les premiers pas de l'Internet sur le mobile voici cinq ans.
«Déceptif». Dans les boutiques, on ne fait pas preuve d'un optimisme excessif. Chez SFR, rue Saint-Lazare à Paris, le vendeur conseille d'attendre septembre pour avoir plus de choix. Dans la boutique Orange voisine, les présentoirs font apparaître des trous béants à la place des mobiles. «On nous les a volés, explique la commerciale un peu désabusée. C'étaient des factices, mais ça se deale, quand il fait noir à Barbès.» «Le mobile 3G est "déceptif"», reconnaît-on, assez franchement, chez Samsung. Plus massif, moins autonome, plus cher... Comparé aux mobiles actuels, «on a fait un grand bond en arrière». Et, en plus, il chauffe : «Quand on fait de la visiophonie, ça monte à 35 degrés. C'est ennuyeux d'avoir un miniradiateur dans la main.» En plus, la batterie ne tiendrait pas la journée. Heureusement, la seconde génération de mobiles 3G est prête. Samsung annonce le Z 500, un modèle design et très compact. LG sort, la semaine prochaine, le U8210 avec photo-vidéo à 1,3 million de pixels, tout aussi compact et doté d'une carte mémoire. «L'esthétique, la compacité, assure Philippe Illarine, chef de produit chez Samsung, c'est toujours le motif numéro un pour acheter un mobile.» Nokia, le géant finlandais, vient de faire référencer deux modèles chez SFR et Orange. Sharp sort lui aussi un nouveau terminal et Sony-Ericsson vise juillet.
Encore faut-il que les prix baissent, expliquent en choeur les fournisseurs de mobiles. «On va vers des mobiles à 50 euros pour Noël», prédit Eric Surdej, le directeur de LG France. Même si les prix déclinent, on en est encore très loin. Le prix des premiers modèles 3G avec forfait débute à 99 euros, soit 100 euros de moins qu'au moment du lancement. SFR va annoncer demain une nouvelle gamme accessible dès 69 euros. Les équipementiers sont prêts à faire un effort. «Dès que les séries vont s'allonger, nos prix vont baisser», explique Samsung. La dernière commande passée chez le coréen portait sur 5 000 terminaux. A livrer dans le mois. Des séries ridicules comparées à la capacité de l'usine de Gomi en Corée du Sud : 80 millions de portables à l'année. Mais il faudra que les opérateurs y mettent aussi du leur. «Aujourd'hui, la subvention moyenne d'un mobile 3G acheté en pack, c'est 150 euros, soit le double d'un mobile ordinaire. Il faudra que les opérateurs la maintiennent à cette hauteur.»
Tremplin. Acculés à remplir leurs objectifs, les opérateurs devront aussi lâcher du lest sur leurs forfaits. Chez Orange, on enchaîne les promos depuis Noël. Le forfait 3G de trois heures est bradé pendant six mois à 25 euros (55 euros les dix-huit mois restants). SFR, lui, a baissé drastiquement le seuil d'accès à sa 3G : elle est accessible dès le premier forfait d'une heure (soit 22 euros par mois, au lieu de 46 euros au moment du lancement), mais la télé, les vidéos, les musiques et tous les services sont vendus au prix fort. SFR va devoir passer à la vitesse supérieure parce qu'il a zappé Edge, l'étape intermédiaire (lire ci-dessous). Au contraire de ses concurrents, qui s'en servent comme d'un tremplin pour faire décoller la 3G, surtout Orange, qui comptabilisera les futurs abonnés Edge dans son objectif de 500 000 clients 3G. Mais il faudrait que le réseau soit irréprochable. «C'est encore très difficile à régler», explique-t-on chez Samsung. «Encore trop de coupures quand on passe d'un réseau à un autre, et en plus la 3G passe mal les murs», renchérit un autre fabricant, occupé à tester tous les jours sur le terrain les antennes 3G d'Alcatel, de Nortel, de Nokia, ou encore de Siemens. Vaste tâche.
Source : Libération
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