Télécharger gratuitement, et légalement, tous les tubes ? Ce n'est plus une utopie pour les internautes américains.
L'industrie musicale, bouleversée par la révolution numérique, espère avoir trouvé la solution pour remplacer ses clients évaporés : elle va parier sur la publicité. Malgré sa guerre contre le piratage, les ventes de CD continuent à reculer, les téléchargements payants ne compensent pas la perte de chiffre d'affaires et le quasi-monopole sur la vente des fichiers musicaux détenus par Apple et son logiciel iTunes impose aux majors du disque des prix très faibles.
Universal, filiale du groupe français Vivendi, a donc décidé de jouer le tout pour le tout en s'associant à une expérience pour le moins novatrice. A partir du mois de décembre, les habitants des États-Unis et du Canada (et seulement eux, pour des questions de droits) pourront donc télécharger des fichiers MP3 à volonté sur le site Spiralfrog à condition d'absorber de la publicité : 90 secondes de pub par titre téléchargé. Ils devront en prime reconsommer de la pub régulièrement sur le site sinon les titres s'effaceront au bout de quelques mois. Universal fournira le catalogue musical à Spiralfrog, contre une rémunération gardée secrète, et Spiralfrog tentera de trouver un modèle économique rentable pour tout le monde, avec les annonceurs américains.
Ce projet a suscité les hurlements de tous leurs confrères : “C'est un message très, très maladroit! Il est très dangereux d'accepter ainsi le principe de la gratuité, même si c'est une fausse gratuité, alors que notre industrie repose encore essentiellement sur un modèle payant”, s'insurge un concurrent. Les sceptiques se demandent bien pourquoi les adolescents - visés par le site - iraient s'embêter avec de la pub alors qu'ils peuvent avoir la même chose sans !
Pascal Nègre, le patron d'Universal France, grand pourfendeur du piratage, sera encore plus gêné que ses confrères s'il continue à réclamer des sanctions sévères contre les téléchargeurs ! La Spedidam - une société qui gère les droits d'auteur - a publié un communiqué ironique pour s'étonner que “l'un des principaux détracteurs de la licence globale se soit résigné à diffuser gratuitement les oeuvres des artistes qu'il produit”, ajoutant : “Entre une publicité pour un soda et une autre pour des couches-culottes, la musique sera-t-elle valorisée ?”.
Même Nicolas Sarkozy, qui présidait la semaine dernière, place Beauvau, une réunion de tous les intervenants du dossier afin de discuter de la mise en place des sanctions, le jour même de l'annonce, s'est retrouvé en porte à faux : peut-on encore sévir contre le vol quand le “volé” accepte de donner son produit...
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